Mot de Joël Beddows

Pour une tragédie de la décadence!

Les protagonistes de Visage de feu incarnent l’esprit décadent si caractéristique de notre époque. J’en suis même venu à me dire que les personnages de Kurt, Olga, Hans et « la mère » – oui, elle est dépourvue de nom – existent avant tout pour nous donner une vision de notre ère où les supposés modernes cherchent à tout maîtriser, refusant par la même occasion les messages éclairants que referment l’Histoire, la spiritualité et toute autre forme de pensée complexe. En fait, en travaillant cette œuvre, j’en suis venu à croire que la décadence et l’idée du progrès sont très intimement liées.

Il ressortirait que seul l’exemple des absolutistes sexuels serait un schéma plausible pour des personnages qui voudraient se rattacher à une réalité qu’ils pensent maîtriser, du moins durant leurs actes. La destruction devient sécurisante et le paradoxe veut que ceux qui s’y adonnent aient l’impression d’être comme des enfants jouant dans le jardin d’Éden de leur propre création. Même lorsqu’ils pensent, l’espace d’un instant, qu’ils ont pu arrêter le temps et la folle course en avant dont ils sont les géniteurs, ils ont en fait accéléré le processus pour mieux se rapprocher de leur propre mort.

C’est ainsi que Marius von Mayenburg élève au rang d’un dogme la destruction et l’autodestruction.

Et ça fait peur.

Ça me fait peur.

Vous aurez compris que j’ai tenté d’explorer et d’exploiter à la fois le drame, mais aussi les fondements de cette œuvre troublante et nécessaire.

Joël Beddows