Biographie de Martin Crimp

Martin Crimp naît à Dartford, dans le Kent, le 14 février 1956. Sa mère est femme au foyer et son père ingénieur pour la British Rail Cie. À cause de l’emploi du père, la famille se voit contrainte à déménager souvent au cours de l’enfance de Martin, ce qui ne l’empêche pas d’être très doué à l’école. Il se démarque rapidement, particulièrement en langues, en musique et en littérature anglaise. C’est d’ailleurs au collège qu’il écrit Clang (s.d.), sa première pièce, ainsi que deux recueils de nouvelles: An Anatomy (1978) et Still Early Days (1978). Toutefois, il ne se met véritablement au théâtre qu’à partir des années 1980.

Les six premières pièces de Martin Crimp – Living Remains (1982), Four Attempted Acts (1984), A Variety of Death-Defying Acts (1985), Definitely the Bahamas (1987), Dealing with Claire (1988) et Play with Repeats (1989) – sont créées à l’Orange Tree Theater de Richmond, un théâtre d’avant-garde qui s’inscrit dans la pensée alternative du début des années 1970. Parallèlement, Crimp écrit plusieurs pièces pour la radio dont certaines seront adaptées pour la scène, comme Four Attempted Acts. Plusieurs critiques estiment d’ailleurs que l’expérience de Crimp comme auteur radiophonique influence son écriture de manière fondamentale et expliquerait que son théâtre en soit un de « voix ». Ce « théâtre de voix » se caractériserait entre autres, et comme c’est le cas dans Atteintes à sa vie, par exemple, et dans la deuxième partie de Dans la République du bonheur, par une absence de distribution.

En 1990, l’auteur reçoit une bourse du Conseil des Arts de la Grande-Bretagne et sa pièce No One Sees The Video est montée au Royal Court Theater de Londres. L’année suivante, il est invité comme auteur en résidence au New Dramatists de New York et y écrit Getting Attention et The Treatment, une de ses pièces les plus marquantes et pour laquelle il reçoit, en 1993, le prix John Whiting. En 1997, alors qu’il est auteur en résidence au Royal Court Theater, Crimp écrit Attempts on her Life, pièce que plusieurs considèrent comme son chef-d’œuvre. Sa carrière atteint alors un sommet. Sa réputation traverse la Manche et rejoint le continent où il est traduit et monté, particulièrement en France et en Allemagne.

Depuis lors, on lui doit The Country (2000), Face to the Wall (2002), Cruel and Tender (2004), Fewer Emergencies (2005) et The City (2008). Écrite en 2012, In The Republic of Happiness est sa dernière pièce.

Martin Crimp est considéré comme un des auteurs les plus novateurs de sa génération. Figure essentielle du théâtre postdramatique en Angleterre, il n’a cessé de questionner la forme afin de redonner au théâtre une place dans un monde qui semblait ne plus lui en laisser. Ses pièces dressent le portrait d’une société contemporaine occidentale, consommatrice et centrée sur elle-même, qui se veut parfaite – saine, prospère et performante – mais sous le masque de laquelle se creusent de graves problèmes. L’univers de Crimp présente souvent des êtres troublés qui ont du mal à définir leur identité et qui entretiennent entre eux des rapports de force, des jeux de pouvoir et d’abus, de manipulation ou de dépendance.

Sous la plume de Crimp, le réel est déformé – exagéré – de façon à créer un effet d’étrangeté dans le regard du spectateur. L’univers est malsain, parfois cruel ou choquant, mais toujours empreint d’ironie (voire d’humour). Le théâtre qu’il propose est parfois énigmatique tant les notions d’histoire et de personnages sont évincées. Toutefois, sa langue est celle de la « vie normale » avec son rythme, ses répétitions et ses pauses.

On peut dire de Martin Crimp qu’il est un auteur critique. Par contre, il n’énonce pas d’opinion à proprement parler avec ses pièces. Au contraire, il travaille plutôt à déjouer les parti-pris en considérant le monde dans toutes ses contradictions ; il utilise des stéréotypes déjà existant et les dégénère afin qu’ils parlent d’eux-mêmes.

À cause de son ton un peu cru, on a longtemps associé Crimp, à tort, au New Brutalism des années 1990, association à laquelle l’auteur s’est toujours vivement opposé (une étiquette qui fut également accolée – encore là, à tort – à Mark Ravenhill et Sarah Kane). Si on ne peut lui apposer d’étiquette quelle qu’elle soit, on peut toutefois s’entendre pour dire qu’il s’agit d’un auteur qui, par opposition au divertissement et/ou à l’art moraliste, défend l’idée d’un théâtre qui bouscule les idées reçues afin d’inciter le public à réfléchir sur notre époque et sur nous-mêmes.